Communiqué SNUDI-FO 86
Le jeudi 04 septembre 2025
Lundi 1er septembre, jour de rentrée scolaire, notre collègue Caroline Grandjean s’est donnée la mort, après des années d’insultes, de diffamation subie sur son école, et de menaces de mort…
L’intolérance et l’indifférence tuent
L’annonce de ton suicide, Caroline, ce lundi 1er septembre est une nouvelle déchirante. Le bureau du SNUDI-FO 86 pense à ta souffrance, apporte tout son soutien à ta compagne, à tes proches et à toutes celles et ceux qui ont été à tes côtés et qui culpabilisent aujourd’hui de ne pas avoir pu te sauver.
Comment ne pas penser à Christine Renon, à Jean Willot et à tant d’autres collègues qui subissent dans l’exercice de leur métier, jusqu’à ne plus pouvoir tenir et sans que notre employeur n’agisse.
Ta descente aux enfers en dit long sur l’état de notre pays, sur la montée de l’intolérance, sur la montée de l’indifférence, sur l’incapacité à faire respecter la loi, à protéger les victimes, à protéger les personnels de l’Éducation Nationale.
Tu es personnel de l’Éducation Nationale ?
Protège-toi toi-même, sois exemplaire et tais-toi.
Les violences homophobes que tu as subies à l’école dans ton village du Cantal sont restées impunies, l’auteur des nombreux tags n’a pas été identifié à temps pour te sauver la vie.
L’alerte publique et le droit d’expression de ton calvaire à travers la BD Cas d’école l’histoire de Caroline ont conduit à un dépôt de plainte contre l’auteur, par notre employeur l’Education Nationale.
Ton suicide, Caroline, nous met face à nos responsabilités. Tu as lancé l’alerte, tu as fait tout ce que tu pouvais pour continuer à diriger une école, à enseigner, à aimer et à vivre près de chez toi, dans le respect de ce que tu es, dans le respect des autres.
Cette fin tragique nous oblige. Elle nous oblige à ne plus être aveugle et sourd aux alertes. Il faut sortir de la loi du silence. En tout état de cause, notre employeur n’a manifestement pas été en capacité, une fois de plus, de protéger ses personnels. Les responsabilités doivent être établies, la F3SCT doit être saisie et exercer son droit ainsi qu’une enquête, les réponses de l’employeur doivent être apportées.
L’Education Nationale tue ; silence !
L’État, l’employeur, doit soutenir de façon inconditionnelle toutes les victimes de cabales de quelque nature que ce soit.
Alors que ce gouvernement continue de maltraiter l’École avec son budget austère et rejeté, en fermant des postes notamment des postes de médecin du travail, de psychologues, d’administratifs, la colère s’organise pour dire « ça suffit ! »
Ce nouveau drame rend d’autant plus légitime la résistance de la profession qui exige tous les moyens nécessaires au fonctionnement de l’École avec des conditions d’exercice sereines pour ses personnels.
Le bureau départemental du SNUDI-FO 86
>>> Communiqué national de la FNEC-FP-FO ici
Message de l’auteur de BD “cas d’écoles” Remedium (Christophe Tardieux)
Caroline aura tenté du mieux qu’elle pouvait de se reconstruire. Mais la blessure était trop profonde. Elle a choisi de se donner la mort ce lundi 1er septembre, jour de la rentrée scolaire.
La date n’est évidemment pas le fruit du hasard. Lorsque j’ai écrit son “Cas d’école”, elle voulait crier au monde sa vérité, la vérité. Pour aller mieux, mais surtout pour ne pas laisser à l’éducation nationale le soin de parler d’elle à sa place.
Le corbeau qui l’a abreuvée d’insultes homophobes et de menaces de mort, les villageois et le maire qui ne l’ont pas soutenue, les collègues de son académie aux abonnés absents… Tout cela a contribué à creuser sa tombe. Mais l’éducation nationale a planté les clous de son cercueil en n’assumant rien, allant jusqu’à porter plainte contre la bande dessinée, imposant à Caroline une audition au commissariat. Comme une coupable.
Il y a trois jours à peine, Caroline m’écrivait pour n’annoncer que l’inspectrice qui ne l’avait pas soutenue était promue, devenant l’assistante de la Directrice académique. Alors que je lui demandais comment elle allait, Caroline semblait encore fragile mais me disait “ça va le faire”. Je n’ai pas su voir que l’info qu’elle me donnait était le dernier clou de son cercueil.
Si l’éducation nationale s’empare du sujet, elle cherchera toutes les mauvaises raisons du monde pour expliquer le suicide de Caroline. Mais ne nous y trompons pas : comme Christine Renon, comme Jean Willot, Caroline nous a adressé un message d’une violence rare. En se réduisant elle-même au silence, elle a hurlé cette réalité simple : elle a été tuée par l’éducation nationale.
Aujourd’hui, je pleure, j’enrage et je m’en veux de ne pas avoir pu faire plus. Mais, demain, la lutte continuera. Et je compte sur vous pour y participer en faisant connaître l’histoire de Caroline au plus grand nombre. Parce qu’elle était une belle personne broyée par un système et qu’elle ne demandait que la justice.
